KIVU : une bande dessinée pour convaincre ?

par | 16 Nov 2018 | Archives

Jean Van Hamme, le scénariste de XIII et Largo Winch, signe une nouvelle bande dessinée qui n’aura sans doute pas le même succès car elle met le doigt sur un drame humanitaire honteux, celui du Kivu, cette province de l’Est de la République Démocratique du Congo, celle des mines de Coltan et de Cobalt.

Lorsque l’on me parle de la « verdeur » des nouvelles technologies et en particulier des batteries nouvelle génération qui vont alimenter les voitures électriques devenues les « sauveurs de la planète », j’ai froid dans le dos et je dénonce les mines africaines qui alimentent en métaux rares les nouveaux instruments modernes. On ne peut pas dire que mes propos renversent beaucoup de monde, il suffit, en général, de quelqu’un qui annonce que tout cela est « recyclable », et on passe à la question suivante. L’indignation ne suffit pas, et on peut espérer que la bande dessinée de Jean Van Hamme (avec Simon) va remuer les bonnes consciences écologiques donneuses de leçons. Comment ose-t-on parler de « sauver la planète » en basant notre développement « vert » sur un tel lit d’exactions connues et reconnues, jusqu’à permettre à un pays non producteur, le Rwanda, d’être le premier exportateur mondial de ces produits aujourd’hui principalement à destination de la Chine qui devient par là-même le premier industriel des produits finis !

Reprenons le fil de l’histoire puisque l’on nous annonce aujourd’hui que nos impôts vont permettre à des braves gens détenteurs d’odieuses voitures à moteur thermique de se doter de véhicules électriques pour « décarbonater le monde » et ainsi sauver la planète.

Premier mensonge : celui de considérer que le dérèglement climatique est la priorité des priorités et qu’il guide la politique en question. D’abord, la priorité, c’est l’homme dans son environnement et si l’homme meurt en esclave sans atteindre sa majorité à cause du travail dans les mines et si les femmes se font torturer et violer dans les contrées d’extraction des précieux métaux, la priorité m’apparaît de faire cesser ces exactions. Ensuite, rien ne dit que dans les conditions techniques actuelles, le traitement des produits, la production, l’usage, la maintenance et la destination finale après utilisation des batteries justifient d’en tirer la conclusion qu’elles ont une empreinte carbone inférieure à celle d’un moteur thermique dernière génération ! Si l’on sauve la planète sans les hommes qui y vivent ou si l’on augmente l’empreinte carbone en croyant faire le contraire, on a tout faux, c’est le cas aujourd’hui.

Deuxième mensonge, amplement propagé on ne sait trop plus par qui, tant il apparaît comme une doctrine immuable, officielle, et ne permettant plus l’expression contraire : la lutte contre la pollution des villes n’a rien à voir avec le sauvetage de la planète, rien à voir ! Le problème de santé publique des agglomérations du monde occidental peut très bien être réglé au détriment du problème du climat abondamment décrit par les politiques et les médias ! On peut interdire les véhicules thermiques à Berlin et à Varsovie, mais si les centrales charbon-lignite continuent à produire l’électricité qui va dans les véhicules et si on continue à en construire, on augmente la carbonatation européenne tout en améliorant la santé des Berlinois et des Varsoviens. Je dis depuis des mois mon scepticisme sur les mesures prises pour la circulation à Paris si l’objectif est bien de diminuer la pollution.

Troisième mensonge, et là, je fais hurler certains médecins qui me montrent du doigt : « Si Monsieur Le Floch-Prigent, le diesel tue ! » (Atlantico.fr). On ne peut pas condamner un mode de propulsion à partir des émissions actuelles de polluants, le diesel consomme structurellement 20 à 25 % moins que l’essence, il fait donc moins de CO2 en proportion. Si on lui ordonne de faire disparaître les particules fines et les Nox il le fera, à un prix à regarder, mais les combustions sont perfectibles, le groupe Bosch est d’ailleurs en train de nous dire que le diesel peut émettre 10 % des normes européennes actuelles. Pour un esprit scientifique normal, c’est évident ! Par contre, les diesels anciens n’ont pas ces dispositifs et il convient d’en tenir compte. La bonne formule serait donc « les diesels actuels tuent », ne leur permettons plus de rentrer dans les zones déjà polluées ! La science permet de résoudre les problèmes posés, il en est de la biologie comme de la physique, ce n’est pas immédiat, mais on doit y travailler.

En ce qui concerne les zones très denses, il va falloir trouver les mesures adaptées pour diminuer de manière très forte les émissions, sinon il faudra interdire la densification et retrouver des espaces verts en détruisant des quartiers entiers. Le véhicule électrique, la propulsion électrique, diminue les émissions polluantes locales, mais on peut aussi diminuer les émissions de véhicules thermiques, et surtout on peut utiliser l’hydrogène comme un grand nombre d’industriels sont en train de le préconiser. L’histoire n’est donc pas finie, loin de là, et pour ma part, si on ne met pas fin à la situation catastrophique du Kivu due à la cupidité « verte », je pense qu’il faut encourager toutes les alternatives, la priorité c’est de sauver les humains du Kivu.

Au moment où les souvenirs des millions d’hommes tombés il y a cent ans nous font mesurer la chance que nous avons de vivre en paix européenne depuis des dizaines d’années, la réunion de chefs d’État pour la paix aurait pu être l’occasion de rappeler que la planète que nous voulons sauver, c’est celle où les hommes, les femmes et surtout les enfants peuvent s’épanouir dans la liberté (sinon la démocratie !), et qu’asseoir un développement technique et industriel sur des décombres humains n’est pas, n’est plus tolérable.

Loïk Le Floch-Prigent

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